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LIVRE II. LA FAMILLE.

dous, chez les Grecs, chez les Romains. Dans l’Inde « l’héritage appartient au plus proche sapinda ; à défaut de sapinda, au samanodaca[1]. » Or nous avons vu que la parenté qu’exprimaient ces deux mots était la parenté religieuse ou parenté par les mâles, et correspondait à l’agnation romaine.

Voici maintenant la loi d’Athènes : « Si un homme est mort sans enfant, l’héritier est le frère du défunt, pourvu qu’il soit frère consanguin ; à défaut de lui, le fils du frère ; car la succession passe toujours aux mâles et aux descendants des mâles[2]. » On citait encore cette vieille loi au temps de Démosthènes, bien qu’elle eût été déjà modifiée et qu’on eût commencé d’admettre à cette époque la parenté par les femmes.

Les Douze-Tables décidaient de même que si un homme mourait sans héritier sien, la succession appartenait au plus proche agnat. Or nous avons vu qu’on n’était jamais agnat par les femmes. L’ancien droit romain spécifiait encore que le neveu héritait du patruus, c’est-à-dire du frère de son père, et n’héritait pas de l’avunculus frère de sa mère[3]. Si l’on se rapporte au tableau que nous avons tracé de la famille des Scipions, on remarquera que Scipion Émilien étant mort sans enfants, son héritage ne devait passer ni à Cornélie sa tante ni à C. Gracchus qui, d’après nos idées modernes, serait son cousin-germain, mais à Scipion Asiaticus qui était réellement son parent le plus proche.

Du temps de Justinien, le législateur ne comprenait plus ces vieilles lois ; elles lui paraissaient inique, et il accusait de rigueur excessive le droit des Douze-Tables

  1. Lois de Manou, IX, 186, 187.
  2. Démosth., in Macart. ; in Leoch. Isée, VII, 20.
  3. Institutes, III, 2, 4.