Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
CH. IX. LA MORALE DE LA FAMILLE.

place au foyer ; il n’a droit d’accomplir aucun acte sacré ; il ne peut pas prier[1].

Cette même religion veille avec soin sur la pureté de la famille. À ses yeux, la plus grave faute qui puisse être commise est l’adultère. Car la première règle du culte est que le foyer se transmette du père au fils ; or l’adultère trouble l’ordre de la naissance. Une autre règle est que le tombeau ne contienne que les membres de la famille ; le fils de l’adultère est un étranger qui est enseveli dans le tombeau. Tous les principes de la religion sont violés ; le culte est souillé, le foyer devient impur, chaque offrande au tombeau devient une impiété. Il y a plus : par l’adultère la série des descendants est brisée ; la famille, même à l’insu des hommes vivants, est éteinte, et il n’y a plus de bonheur divin pour les ancêtres. Aussi le Hindou dit-il : « Le fils de l’adultère anéantit dans cette vie et dans l’autre les offrandes adressées aux mânes[2]. »

Voilà pourquoi les lois de la Grèce et de Rome donnent au père le droit de repousser l’enfant qui vient de naître. Voilà aussi pourquoi elles sont si rigoureuses, si inexorables pour l’adultère. À Athènes il est permis au mari de tuer le coupable. À Rome le mari, juge de la femme, la condamne à mort. Cette religion était si sévère que l’homme n’avait pas même le droit de pardonner complétement et qu’il était au moins forcé de répudier sa femme[3].

Voilà donc les premières lois de la morale domestique trouvées et sanctionnées. Voilà, outre le sentiment naturel, une religion impérieuse qui dit à l’homme et à

  1. Isée, VII. Démosth., in Macartatum.
  2. Lois de Manou, III, 175.
  3. Démosth., in Neœram, 87.