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ÉTUDE DES CROYANCES.

avons en effet une partie de notre être qui se modifie de siècle en siècle ; c’est notre intelligence. Elle est toujours en mouvement, et presque toujours en progrès, et à cause d’elle nos institutions et nos lois sont sujettes au changement. L’homme ne pense plus aujourd’hui ce qu’il pensait il y a vingt-cinq siècles, et c’est pour cela qu’il ne se gouverne plus comme il se gouvernait.

L’histoire de la Grèce et de Rome est un témoignage et un exemple de l’étroite relation qu’il y a toujours entre les idées de l’intelligence humaine et l’état social d’un peuple. Regardez les institutions des anciens sans penser à leurs croyances ; vous les trouvez obscures, bizarres, inexplicables. Pourquoi des patriciens et des plébéiens, des patrons et des clients, des eupatrides et des thètes, et d’où viennent les différences natives et ineffaçables que nous trouvons entre ces classes ? Que signifient ces institutions lacédémoniennes qui nous paraissent si contraires à la nature ? Comment expliquer ces bizarreries iniques de l’ancien droit privé : à Corinthe, à Thèbes, défense de vendre sa terre ; à Athènes, à Rome, inégalité dans la succession entre le frère et la sœur ? Qu’est-ce que les jurisconsultes entendaient par l’agnation, par la gens ? Pourquoi ces révolutions dans le droit, et ces révolutions dans la politique ? Qu’était-ce que ce patriotisme singulier qui effaçait quelquefois tous les sentiments naturels ? Qu’entendait-on par cette liberté dont on parlait sans cesse ? Comment se fait-il que des institutions qui s’éloignent si fort de tout ce dont nous avons l’idée aujourd’hui, aient pu s’établir et régner longtemps ? Quel est le principe supérieur qui leur a donné l’autorité sur l’esprit des hommes ?