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CH. X. LA GENS À ROME ET EN GRÈCE.

der avec un état social où la famille vit isolée. D’ailleurs la religion domestique ne permet pas d’admettre dans la famille un étranger. Il faut donc que par quelque moyen le serviteur devienne un membre et une partie intégrante de cette famille. C’est à quoi l’on arrive par une sorte d’initiation du nouveau venu au culte domestique.

Un curieux usage, qui subsista longtemps dans les maisons athéniennes, nous montre comment l’esclave entrait dans la famille. On le faisait approcher du foyer, on le mettait en présence de la divinité domestique ; on lui versait sur la tête de l’eau lustrale et il partageait avec la famille quelques gâteaux et quelques fruits[1]. Cette cérémonie avait de l’analogie avec celle du mariage et celle de l’adoption. Elle signifiait sans doute que le nouvel arrivant, étranger la veille, serait désormais un membre de la famille et en aurait la religion. Aussi l’esclave assistait-il aux prières et partageait-il les fêtes[2]. Le foyer le protégeait ; la religion des dieux Lares lui appartenait aussi bien qu’à son maître[3]. C’est pour cela que l’esclave devait être enseveli dans le lieu de la sépulture de la famille.

Mais par cela même que le serviteur acquérait le culte et le droit de prier, il perdait sa liberté. La religion était une chaîne qui le retenait. Il était attaché à la famille pour toute sa vie et même pour le temps qui suivait la mort.

Son maître pouvait le faire sortir de la basse servitude et le traiter en homme libre. Mais le serviteur ne

  1. Démosth., in Stephanum, I, 74. Aristoph., Plutus, 768. Ces deux écrivains indiquent clairement une cérémonie, mais ne la décrivent pas. Le scholiaste d’Aristophane ajoute quelques détails.
  2. Ferias in famulis habento. Cic., De legib., II, 8 ; II, 12.
  3. Quum dominis tum famulis religio Larum. Cic., De legib., II, 11.