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CH. IV. LA VILLE.

Cette enceinte tracée par la religion est inviolable. Ni étranger ni citoyen n’a le droit de la franchir. Sauter par-dessus ce petit sillon est un acte d’impiété ; la tradition romaine disait que le frère du fondateur avait commis ce sacrilége et l’avait payé de sa vie[1].

Mais pour que l’on puisse entrer dans la ville et en sortir, le sillon est interrompu en quelques endroits[2] ; pour cela Romulus a soulevé et porté le soc ; ces intervalles s’appellent portae ; ce sont les portes de la ville.

Sur le sillon sacré ou un peu en arrière, s’élèvent ensuite les murailles ; elles sont sacrées aussi[3]. Nul ne pourra y toucher, même pour les réparer, sans la permission des pontifes. Des deux côtés de cette muraille, un espace de quelques pas est donné à la religion ; on l’appelle pomœrium[4] ; il n’est permis ni d’y faire passer la charrue ni d’y élever aucune construction.

Telle a été, suivant une foule de témoignages anciens, la cérémonie de la fondation de Rome. Que si l’on demande comment le souvenir a pu s’en conserver jusqu’aux écrivains qui nous l’ont transmis, c’est que cette cérémonie était rappelée chaque année à la mémoire du peuple par une fête anniversaire qu’on appelait le jour natal de Rome. Cette fête a été célébrée dans toute l’antiquité, d’année en année, et le peuple romain la célèbre encore aujourd’hui à la même date qu’autrefois, le 21 avril ; tant les hommes, à travers leurs incessantes transformations, restent fidèles aux vieux usages !

On ne peut pas raisonnablement supposer que de tels rites aient été imaginés pour la première fois par Romu-

  1. Voyez Plutarque, Quest. rom., 27.
  2. Caton, dans Servius, V, 755.
  3. Cic., De nat. deor., III, 40. Digeste, I, 8, 8. Gaius, II, 8.
  4. Plutarque, ibid. Varron, V, 143. Tite-Live, I, 44. Aulu-Gelle, XIII, 14