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CH. V. LE CULTE DU FONDATEUR.

ils parcourent les mers et cherchent une contrée où il leur soit donné de s’arrêter,

Considere Teucros
Errantesque Deos agitataque numina Trojæ.

Énée cherche une demeure fixe, si petite qu’elle soit, pour ses dieux paternels,

Dis sedem exiguam patriis.

Mais le choix de cette demeure, à laquelle la destinée de la cité sera liée pour toujours, ne dépend pas des hommes ; il appartient aux dieux. Énée consulte les devins et interroge les oracles. Il ne marque pas lui-même sa route et son but ; il se laisse diriger par la divinité :

Italiam non sponte sequor.

Il voudrait s’arrêter en Thrace, en Crète, en Sicile, à Carthage avec Didon ; fata obstant. Entre lui et son désir du repos, entre lui et son amour, vient toujours se placer l’arrêt des dieux, la parole révélée, fata.

Il ne faut pas s’y tromper : le vrai héros du poëme n’est pas Énée ; ce sont les dieux de Troie, ces mêmes dieux qui doivent être un jour ceux de Rome. Le sujet de l’Énéide c’est la lutte des dieux romains contre une divinité hostile. Des obstacles de toute nature pensent les arrêter,

Tantæ molis erat romanam condere gentem !

Peu s’en faut que la tempête ne les engloutisse ou que l’amour d’une femme ne les enchaîne. Mais ils triomphent de tout et arrivent au but marqué,

Fata viam inveniunt.

Voilà ce qui devait singulièrement éveiller l’intérêt