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LIVRE III. LA CITÉ.

sacré[1]. Au temps de Démosthènes, les parasites avaient disparu ; mais les prytanes étaient encore astreints à manger ensemble au Prytanée. Dans toutes les villes il y avait des salles affectées aux repas communs[2].

À voir comment les choses se passaient dans ces repas, on reconnaît bien une cérémonie religieuse. Chaque convive avait une couronne sur la tête ; c’était en effet un antique usage de se couronner de feuilles ou de fleurs chaque fois qu’on accomplissait un acte solennel de la religion. « Plus on est paré de fleurs, disait-on, et plus on est sûr de plaire aux dieux ; mais si tu sacrifies sans avoir une couronne, ils se détournent de toi[3]. » « Une couronne, disait-on encore, est la messagère d’heureux augure que la prière envoie devant elle vers les dieux[4]. » Les convives, pour la même raison, étaient vêtus de robes blanches ; le blanc était la couleur sacrée chez les anciens, celle qui plaisait aux dieux[5].

Le repas commençait invariablement par une prière et des libations ; on chantait des hymnes. La nature des mets et l’espèce de vin qu’on devait servir étaient réglées par le rituel de chaque cité. S’écarter en quoi que ce fût de l’usage suivi par les ancêtres, présenter un plat nouveau ou altérer le rhythme des hymnes sacrés, était une impiété grave dont la cité entière eût été responsable envers ses dieux. La religion allait jusqu’à fixer la nature des vases qui devaient être employés, soit pour la cuisson des aliments, soit pour le service de la table.

  1. Plutarque, Solon, 24. Athénée, VI, 26.
  2. Démosth., Pro corona, 53. Aristote, Pol., VII, 1, 19. Pollux, VIII, 155.
  3. Fragment de Sapho, dans Athénée, XV, 16.
  4. Athénée, XV, 19.
  5. Platon, Lois, XII, 956. Cicéron, De legib., II, 18. Virgile, V, 70, 774 ; VII, 135 ; VIII, 274. De même chez les Hindous dans les actes religieux il fallait porter une couronne et être vêtu de blanc : Lois de Manou, IV, 66, 72.