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CH. VIII. LES RITUELS ET LES ANNALES.

aux anciens rites[1] ; c’est pour cela que le sénat de Rome dégradait ses consuls et ses dictateurs qui avaient commis quelque erreur dans un sacrifice.

Toutes ces formules et ces pratiques avaient été léguées par les ancêtres qui en avaient éprouvé l’efficacité. Il n’y avait pas à innover. On devait se reposer sur ce que ces ancêtres avaient fait, et la suprême piété consistait à faire comme eux. Il importait assez peu que la croyance changeât : elle pouvait se modifier librement à travers les âges et prendre mille formes diverses, au gré de la réflexion des sages ou de l’imagination populaire. Mais il était de la plus grande importance que les formules ne tombassent pas en oubli et que les rites ne fussent pas modifiés. Aussi chaque cité avait-elle un livre où tout cela était conservé.

L’usage des livres sacrés était universel chez les Grecs, chez les Romains, chez les Étrusques[2]. Quelquefois le rituel était écrit sur des tablettes de bois, quelquefois sur la toile ; Athènes gravait ses rites sur des tables de cuivre, afin qu’ils fussent impérissables. Rome avait ses livres des pontifes, ses livres des augures, son livre des cérémonies, et son recueil des Indigitamenta. Il n’y avait pas de ville qui n’eût aussi une collection de vieux hymnes en l’honneur de ses dieux[3] ; en vain la langue changeait avec les mœurs et les croyances ; les paroles et le rhythme restaient immuables, et dans les fêtes on continuait à chanter ces hymnes sans les comprendre.

  1. Démosth., in Néær., 116, 117.
  2. Pausanias, IV, 27, Plutarque, contre Colotès, 17. Pollux, VIII, 128. Pline, H. N., XIII, 21. Valère-Maxime, I, 1, 3. Varron, L. L., VI, 16. Censorinus, 17. Festus, vo Rituales.
  3. Plutarque, Thésée, 16. Tacite, Ann., IV, 43. Élien, H. V., II, 39.