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CH. VIII. LES RITUELS ET LES ANNALES.

antiquités ; tous ces récits, qui nous paraissent si peu vraisemblables parce qu’ils s’écartent de nos habitudes et de notre manière de penser et d’agir, pourraient passer pour le produit de l’imagination des hommes. Mais ce souvenir qui nous est resté des vieilles annales, nous montre le respect pieux que les anciens avaient pour leur histoire. Chaque ville avait des archives où les faits étaient religieusement déposés à mesure qu’ils se produisaient. Dans ces livres sacrés chaque page était contemporaine de l’événement qu’elle racontait. Il était matériellement impossible d’altérer ces documents, car les prêtres en avaient la garde, et la religion était grandement intéressée à ce qu’ils restassent inaltérables. Il n’était même pas facile au pontife, à mesure qu’il en écrivait les lignes, d’y insérer sciemment des faits contraires à la vérité. Car on croyait que tout événement venait des dieux, qu’il révélait leur volonté, qu’il donnait lieu pour les générations suivantes à des souvenirs pieux et même à des actes sacrés ; tout événement qui se produisait dans la cité faisait aussitôt partie de la religion de l’avenir. Avec de telles croyances, on comprend bien qu’il y ait eu beaucoup d’erreurs involontaires, résultat de la crédulité, de la prédilection pour le merveilleux, de la foi dans les dieux nationaux ; mais le mensonge volontaire ne se conçoit pas ; car il eût été impie ; il eût violé la sainteté des annales et altéré la religion. Nous pouvons donc croire que dans ces vieux livres, si tout n’était pas vrai, du moins il n’y avait rien que le prêtre ne crût vrai. Or c’est pour l’historien qui cherche à percer l’obscurité de ces vieux temps, un puissant motif de confiance, que de savoir que, s’il a affaire à des erreurs, il n’a pas affaire à l’imposture.