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CH. IX. LE ROI.

méens. Pourtant les foyers des cités nouvelles furent tous posés par des membres de la famille religieuse de Codrus. Il en résulta que ces colons, au lieu d’avoir pour chefs des hommes de leur race, les Pélasges un Pélasge, les Abantes un Abante, les Éoliens un Éolien, donnèrent tous la royauté, dans leurs douze villes, aux Codrides[1]. Assurément ces personnages n’avaient pas acquis leur autorité par la force, car ils étaient presque les seuls Athéniens qu’il y eût dans cette nombreuse agglomération. Mais comme ils avaient posé les foyers, c’était à eux qu’il appartenait de les entretenir. La royauté leur fut donc déférée sans conteste et resta héréditaire dans leur famille. Battos avait fondé Cyrène en Afrique : les Battiades y furent longtemps en possession de la dignité royale. Protis avait fondé Marseille : les Protiades, de père en fils, y exercèrent le sacerdoce et y jouirent de grands priviléges.

Ce ne fut donc pas la force qui fit les chefs et les rois dans ces anciennes cités. Il ne serait pas vrai de dire que le premier qui y fut roi fut un soldat heureux. L’autorité découla du culte du foyer. La religion fit le roi dans la cité, comme elle avait fait le chef de famille dans la maison. La croyance, l’indiscutable et impérieuse croyance, disait que le prêtre héréditaire du foyer était le dépositaire des choses saintes et le gardien des dieux. Comment hésiter à obéir à un tel homme ? Un roi était un être sacré ; βασιλεῖς ἱεροὶ, dit Pindare. On voyait en lui, non pas tout à fait un dieu, mais du moins « l’homme le plus puissant pour conjurer la colère des dieux[2], » l’homme sans le secours duquel nulle prière n’était efficace, nul sacrifice n’était accepté.

  1. Hérodote, I. Pausanias, VI. Strabon.
  2. Sophocle, Édipe roi, 34.

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