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LIVRE III. LA CITÉ.

magistratures qui touchent aux choses sacrées, laissant à la divinité le choix de ceux qui lui sont agréables, nous nous en remettons au sort. » La cité croyait ainsi recevoir ses magistrats des dieux[1].

Au fond les choses se passaient de même à Rome. La désignation du consul ne devait pas appartenir aux hommes. La volonté ou le caprice du peuple n’était pas ce qui pouvait créer légitimement un magistrat. Voici donc comment le consul était choisi. Un magistrat en charge, c’est-à-dire un homme déjà en possession du caractère sacré et des auspices, indiquait parmi les jours fastes celui où le consul devait être nommé. Pendant la nuit qui précédait ce jour, il veillait, en plein air, les yeux fixés au ciel, observant les signes que les dieux envoyaient, en même temps qu’il prononçait mentalement le nom de quelques candidats à la magistrature[2]. Si les présages étaient favorables, c’est que les dieux agréaient ces candidats. Le lendemain, le peuple se réunissait au Champ-de-Mars ; le même personnage qui avait consulté les dieux, présidait l’assemblée. Il disait à haute voix les noms des candidats sur lesquels il avait pris les auspices ; si parmi ceux qui demandaient le consulat, il s’en trouvait un pour lequel les auspices n’eussent pas été favorables, il omettait son nom[3]. Le

  1. Platon, Lois, III, p. 690 ; VI, p. 759. Comparez : Démosth., in Aristog., p. 832 ; Démétrius de Phal., fr., 4. Il est surprenant que plusieurs historiens modernes représentent ce mode d’élection par le sort comme une invention de la démocratie athénienne. Il était au contraire en pleine vigueur quand dominait l’aristocratie (Plut., Périclès, 9). Lorsque la démocratie prit le dessus, elle garda le tirage au sort pour le choix des archontes, auxquels elle ne laissait aucun pouvoir effectif, et elle l’abandonna pour le choix des stratéges, qui eurent alors la véritable autorité. Nous reviendrons sur ce point. Il importe de ne pas attribuer à la démocratie un procédé de gouvernement qu’elle a au contraire fait disparaître dans les limites où cela lui était possible.
  2. Valère-Maxime, I, 1, 3. Plutarque, Marcellus, 5.
  3. Velléius, II, 92. Tite-Live, XXXIX, 39. Valère-Maxime, III, 8, 3.