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CH. X. LE MAGISTRAT.

habile ou mal pensant, la plupart du temps au contraire on ne peut pas lui supposer d’autre motif qu’un scrupule religieux.

Il est vrai que lorsque le sort ou les auspices avaient désigné l’archonte ou le consul, il y avait une sorte d’épreuve par laquelle on examinait le mérite du nouvel élu. Mais cela même va nous montrer ce que la cité souhaitait trouver dans son magistrat, et nous allons voir qu’elle ne cherchait pas l’homme le plus courageux à la guerre, le plus habile ou le plus juste dans la paix, mais le plus aimé des dieux. En effet le Sénat athénien demandait au nouvel élu s’il avait quelque défaut corporel, s’il possédait un dieu domestique, si sa famille avait toujours été fidèle à son culte, si lui-même avait toujours rempli ses devoirs envers les morts[1]. Pourquoi ces questions ? c’est qu’un défaut corporel, signe de la malveillance des dieux, rendait un homme indigne de remplir aucun sacerdoce et par conséquent d’exercer aucune magistrature ; c’est que celui qui n’avait pas de culte de famille ne devait pas avoir part au culte national et n’était pas apte à faire les sacrifices au nom de la cité ; c’est que si la famille n’avait pas été toujours fidèle à son culte, c’est-à-dire si l’un des ancêtres avait commis un de ces actes qui blessaient la religion, le foyer était à jamais souillé et les descendants détestés des dieux ; c’est enfin que si lui-même avait négligé le tombeau de ses morts, il était exposé à leurs redoutables colères et était poursuivi par des ennemis invisibles. La cité aurait été bien téméraire de confier sa fortune à un tel homme. Voilà les principales questions que l’on

  1. Platon, Lois, VI, p. 759. Xénophon, Mémor., II. Pollux, VIII, 85, 86, 95.