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LIVRE I. ANTIQUES CROYANCES.

tombeau ; qu’un trou était creusé pour faire parvenir les aliments solides jusqu’au mort ; que, si l’on immolait une victime, toutes les chairs en étaient brûlées pour qu’aucun vivant n’en eût sa part ; que l’on prononçait certaines formules consacrées pour convier le mort à manger et à boire ; que, si la famille entière assistait à ce repas, encore ne touchait-elle pas aux mets ; qu’enfin, en se retirant, on avait grand soin de laisser un peu de lait et quelques gâteaux dans des vases, et qu’il y avait grande impiété à ce qu’un vivant touchât à cette petite provision destinée aux besoins du mort[1].

Ces usages sont attestés de la manière la plus formelle. « Je verse sur la terre du tombeau, dit Iphigénie dans Euripide, le lait, le miel, le vin ; car c’est avec cela qu’on réjouit les morts[2]. » Chez les Grecs, en avant de chaque tombeau il y avait un emplacement qu’ils appelaient πυρὰ et qui était destiné à l’immolation de la victime et à la cuisson de sa chair[3]. Le tombeau romain avait de même sa culina, espèce de cuisine d’un genre particulier et uniquement à l’usage du mort[4]. Plutarque raconte qu’après la bataille de Platée les guerriers morts ayant été enterrés sur le lieu du combat, les Platéens s’étaient engagés à leur offrir chaque année le repas funèbre. En conséquence, au jour anniversaire, ils se rendaient en grande procession, conduits par leurs premiers magistrats, vers le tertre sous lequel reposaient les morts. Ils leur offraient du lait, du vin, de l’huile, des parfums, et ils immolaient une victime. Quand les

  1. Hérodote, II, 40. Euripide, Hecub., 536. Pausan., II, 10. Virgile, V, 98. Donat., in Terent. Adelph,IV, 2, 48. Ovide, Fast., II, 566. Lucien, Charon.
  2. Eschyl., Choéph., 476. Euripide, Iphigen., 162 ; Orest., 115-125.
  3. Euripide, Electr., 513.
  4. Festus, v. Culina.