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LIVRE III. LA CITÉ.

deux villes se donnant la main. C’est ainsi qu’on a des médailles où nous voyons unis l’Apollon de Milet et le Génie de Smyrne, la Pallas des Sidéens et l’Artémis de Perge, l’Apollon d’Hiérapolis et l’Artémis d’Éphèse. Virgile, parlant d’une alliance entre la Thrace et les Troyens, montre les Pénates des deux peuples unis et associés.

Ces coutumes bizarres répondaient parfaitement à l’idée que les anciens se faisaient des dieux. Comme chaque cité avait les siens, il semblait naturel que ces dieux figurassent dans les combats et dans les traités. La guerre ou la paix entre deux villes était la guerre ou la paix entre deux religions. Tout le droit des gens des anciens fut fondé sur ce principe. Quand les dieux étaient ennemis, il y avait guerre sans merci et sans règle ; dès qu’ils étaient amis, les hommes étaient liés entre eux et avaient le sentiment de devoirs réciproques. Si l’on pouvait supposer que les divinités poliades de deux cités eussent quelque motif pour être alliées, c’était assez pour que les deux cités le fussent. La première ville avec laquelle Rome contracta amitié fut Cæré en Étrurie, et Tite-Live en dit la raison : dans le désastre de l’invasion gauloise, les dieux romains avaient trouvé un asile à Cæré ; ils avaient habité cette ville, ils y avaient été adorés ; un lien sacré d’hospitalité s’était ainsi formé entre les dieux romains et la cité étrusque ; dès lors la religion ne permettait pas que les deux villes fussent ennemies ; elles étaient alliées pour toujours[1].

  1. Tite-Live, V, 50. Aulu-Gelle, XVI, 13.