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LIVRE III. LA CITÉ.

ans, à Athènes jusqu’à soixante, à Sparte toujours. La fortune du citoyen n’était pas tellement à lui que l’État ne pût en disposer. Si la cité avait besoin d’argent, elle pouvait ordonner aux femmes de lui livrer leurs bijoux, aux créanciers de lui abandonner leurs créances, aux possesseurs d’oliviers de lui céder gratuitement l’huile qu’ils avaient fabriquée[1].

Quand Athènes manquait d’argent, elle confisquait les biens de quelques riches. En Grèce le droit de propriété était sans cesse limité ou violé par la loi ; Athènes punissait de mort le propriétaire qui coupait un olivier sur son champ[2].

La vie privée n’échappait pas à cette omnipotence de l’État. À Athènes, l’homme n’avait pas le droit de rester célibataire[3]. La loi de Sparte punissait, non-seulement celui qui ne se mariait pas, mais même celui qui se mariait tard. L’an 396 de Rome, un arrêt des censeurs frappa les célibataires d’une amende[4].

L’État avait le droit de ne pas tolérer que ses citoyens fussent difformes ou contrefait. En conséquence il ordonnait au père à qui naissait un tel enfant, de le faire mourir. Cette loi se trouvait dans les anciens codes de Sparte et de Rome. Nous ne savons pas si elle existait à Athènes ; nous savons seulement qu’Aristote et Platon l’inscrivirent dans leurs législations idéales.

Il y a dans l’histoire de Sparte un trait que Plutarque et Rousseau admiraient fort. Sparte venait d’éprouver une défaite à Leuctres et beaucoup de ses citoyens avaient péri. À cette nouvelle, les parents des morts

  1. Aristote, Économ., II.
  2. Démosth., in Macartatum.
  3. Pollux, VIII, 40. Plutarque, Lysandre, 30.
  4. Plutarque, Camille, 2 ; Valère-Maxime, II, 9.