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LIVRE I. ANTIQUES CROYANCES.

assemblée, était pour le foyer, le second pour Zeus[1]. De même à Rome la première adoration était toujours pour Vesta, qui n’était autre que le foyer[2] ; Ovide dit de cette divinité qu’elle occupe la première place dans les pratiques religieuses des hommes[3]. C’est ainsi que nous lisons dans les hymnes du Rig Véda : « Avant tous les autres dieux il faut invoquer Agni. Nous prononcerons son nom vénérable avant celui de tous les autres immortels. O Agni, quel que soit le dieu que nous honorons par notre sacrifice, toujours à toi s’adresse l’holocauste[4]. » Il est donc certain qu’à Rome au temps d’Ovide, dans l’Inde au temps des brahmanes, le feu du foyer passait encore avant tous les autres dieux ; non que Jupiter et Brahma n’eussent acquis une bien plus grande importance dans la religion des hommes ; mais on se souvenait que le feu du foyer était de beaucoup antérieur à ces dieux-là. Il avait pris, depuis nombre de siècles, la première place dans le culte, et les dieux plus nouveaux et plus grands n’avaient pas pu l’en déposséder.

Les symboles de cette religion se modifièrent suivant les âges. Quand les populations de la Grèce et de l’Italie prirent l’habitude de se représenter leurs dieux comme des personnes et de donner à chacun d’eux un nom propre et une forme humaine, le vieux culte du foyer subit la loi commune que l’intelligence humaine, dans cette période, imposait à toute religion. L’autel du feu sacré fut personnifié ; on l’appela ἑστία, Vesta ; le nom fut le même en latin et en grec, et ne fut pas d’ailleurs autre chose que le mot qui dans la langue commune et primitive dési-

  1. Pausan., V, 14.
  2. Cic., De nat. Deor., II, 27.
  3. Ovide, Fast., VI, 304.
  4. Rig Véda, trad. Langlois, t. I, p. 40, 43, 147.