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pas à la mort de leur père ; à plus forte raison ne peuvent-ils pas se détacher de lui de son vivant. Dans la rigueur du droit primitif, les fils restent liés au foyer du père et par conséquent soumis à son autorité ; tant qu’il vit, ils sont mineurs.

On conçoit que cette règle n’ait pu durer qu’autant que la vieille religion domestique était en pleine vigueur. Cette sujétion sans fin du fils au père disparut de bonne heure à Athènes. Elle subsista plus longtemps à Sparte, où le patrimoine fut toujours indivisible. À Rome, la vieille règle fut scrupuleusement conservée : le fils ne put jamais entretenir un foyer particulier du vivant du père ; même marié, même ayant des enfants, il fut toujours en puissance[1].

Du reste il en était de la puissance paternelle comme de la puissance maritale ; elle avait pour principe et pour condition le culte domestique. Le fils né d’une concubine n’était pas placé sous l’autorité du père. Entre le père et lui il n’existait pas de communauté religieuse ; il n’y avait donc rien qui conférât à l’un l’autorité et qui commandât à l’autre l’obéissance, la paternité ne donnait par elle seule aucun droit au père.

Grâce à la religion domestique, la famille était un petit corps organisé, une petite société qui avait son Chef et son gouvernement. Rien dans notre société moderne ne peut nous donner une idée de cette puissance paternelle. Dans cette antiquité, le père n’est pas seulement l’homme fort qui protège et qui a aussi le pouvoir de se faire obéir ; il est le prêtre, il est l’héritier du foyer, le continuateur des

  1. Lorsque Gaius dit de la puissance paternelle : jus proprium est civium romanorum, il faut entendre que le droit romain ne reconnaît cette puissance que chez le citoyen romain ; cela ne veut pas dire quelle n’existât pas ailleurs et ne fût pas reconnue par le droit des autres villes. Cela sera éclairci par ce que nous dirons de la situation légale des sujets sous la domination de Rome.