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chef qui parle en son nom devant le Sénat et qui le conduit à l’ennemi[1].

En Grèce aussi, chaque gens avait son chef ; les inscriptions en font foi, et elles nous montrent que ce chef portait assez généralement le titre d’archonte[2]. Enfin à Rome comme en Grèce, la gens avait ses assemblées ; elle portait des décrets, auxquels ses membres devaient obéir, et que la cité elle-même respectait[3].

Tel est l’ensemble d’usages et de lois que nous trouvons encore en vigueur aux époques où la gens était déjà affaiblie et presque dénaturée. Ce sont là les restes de cette antique institution.


2° Examens de quelques opinions qui ont été émises pour expliquer la gens romaine.

Sur cet objet, qui est livré depuis longtemps aux disputes des érudits, plusieurs systèmes ont été proposés. Les uns disent : La gens n’est pas autre chose qu’une similitude de nom[4]. D’autres : Le mot gens désigne une sorte de parenté factice. Suivant d’autres, la gens n’est que l’expression d’un rapport entre une famille qui exerce le patronage et d’autres familles qui sont clientes. Mais aucune de ces trois explications ne répond à toute la série de faits, de lois, d’usages, que nous venons d’énumérer.

Une autre opinion, plus sérieuse, est celle qui conclut ainsi : la gens est une association politique de plusieurs familles qui étaient à l’origine étrangères les unes aux autres ; à défaut de lien du sang,

  1. Denys d’Halicarnasse, IX, 5.
  2. Bœckh, Corp. inscr., 397, 399. Ross, Demi Attici, 24.
  3. Tite-Live, VI, 20. Suétone, Tibère, 1. Ross, Demi Attici, 24.
  4. Deux passages de Cicéron, Tuscul., I, 16, et Topiques, 6, ont singulièrement embrouillé la question. Ciceron parait avoir ignoré, comme presque tous ses contemporains, ce que c’était que la gens antique.