Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/140

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maison, ce culte qui était secret, cette religion qui ne voulait pas être propagée, cette antique morale qui prescrivait l’isolement des familles : il est manifeste que des croyances de cette nature n’ont pu prendre naissance dans les esprits des hommes qu’à une époque où les grandes sociétés n’étaient pas encore formées. Si le sentiment religieux s’est contenté d’une conception si étroite du divin, c’est que l’association humaine était alors étroite en proportion. Le temps où l’homme, ne croyait qu’aux dieux domestiques, est aussi le temps où il n’existait que des familles. Il est bien vrai que ces croyances ont pu subsister ensuite, et même fort longtemps, lorsque les cités et les nations étaient formées. L’homme ne s’affranchit pas aisément des opinions qui ont une fois pris l’empire sur lui. Ces croyances ont donc pu durer, quoiqu’elles fussent alors en contradiction avec l’état social. Qu’y a-t-il, en effet, de plus contradictoire que de vivre en société civile et d’avoir dans chaque famille des dieux particuliers ? Mais il est clair que cette contradiction n’avait pas existé toujours et qu’à l’époque où ces croyances s’étaient établies dans les esprits et étaient devenues assez puissantes pour former une religion, elles répondaient exactement à l’état social des hommes. Or, le seul état social qui puisse être d’accord avec elles est celui où la famille vit indépendante et isolée.

C’est dans cet état que toute la race aryenne paraît avoir vécu longtemps. Les hymnes des Védas en font foi pour la branche qui a donné naissance aux Hindous ; les vieilles croyances et le vieux droit privé l’attestent pour ceux qui sont devenus les Grecs et les Romains.

Si l’on compare les institutions politiques des Aryas de l’Orient avec celles des Aryas de l’Occident, on ne trouve presque aucune analogie. Si l’on compare, au contraire, les institutions domestiques de ces divers peuples, on s’aperçoit que la famille