Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/186

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ses protecteurs Eurysthée, qui était pourtant un Argien ; mais Euripide nous explique la naissance de ce culte, quand il fait paraître sur la scène Eurysthée, près de mourir et lui fait dire aux Athéniens : « Ensevelissez-moi dans l’Attique ; je vous serai propice, et dans le sein de-la terre je serai pour votre pays un hôte protecteur[1]. » Toute la tragédie d’Édipe à Colone repose sur ces croyances : Athènes et Thèbes se disputent le corps d’un homme qui va mourir et qui va devenir un dieu.

C’était un grand bonheur pour une cité de posséder des morts quelque peu marquants[2]. Mantinée parlait avec orgueil des ossements d’Arcas, Thèbes de ceux de Géryon, Messène de ceux d’Aristomène[3]. Pour se procurer ces reliques précieuses on usait quelquefois de ruse. Hérodote raconte par quelle supercherie les Spartiates dérobèrent les ossements d’Oreste[4]. Il est vrai que ces ossements, auxquels était attachée l’âme du héros, donnèrent immédiatement une victoire aux Spartiates. Dès qu’Athènes eut acquis de la puissance, le premier usage qu’elle en fit, fut de s’emparer des ossements de Thésée qui avait été enterré dans l’île de Scyros, et de leur élever un temple dans la ville, pour augmenter le nombre de ses dieux protecteurs.

Outre ces héros et ces génies, les hommes avaient des dieux d’une autre espèce, comme Jupiter, Junon, Minerve, vers lesquels le spectacle de la nature avait porté leur pensée. Mais nous avons vu que ces créations de l’intelligence humaine avaient eu longtemps le caractère de divinités domestiques ou locales. On ne conçut pas d’abord ces dieux comme veillant sur le genre humain tout entier ; on crut que chacun d’eux appartenait en propre à une famille ou à une cité.

  1. Euripide, Héracl., 1032.
  2. Pausanias, I, 43. Polyhe, VIII, 30. Plaute, Trin., II, 2, 14.
  3. Pausanias, IV, 32 ; VIII, 9.
  4. Hérodote, I, 68.