Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/216

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Or c’est pour l’historien qui cherche à percer l’obscurité de ces vieux temps, un puissant motif de confiance, que de savoir que, s’il a affaire à des erreurs, il n’a pas affaire à l’imposture. Ces erreurs mêmes, ayant encore l’avantage d’être contemporaines des vieux âges qu’il étudie, peuvent lui révéler, sinon le détail des événements, du moins les croyances sincères des hommes.

Ces annales, à la vérité, étaient tenues secrètes ; ni Hérodote ni Tite-Live ne les lisaient. Mais plusieurs passages d’auteurs anciens prouvent qu’il en transpirait quelque chose dans le public et qu’il en parvint des fragments à la connaissance des historiens.

Il y avait d’ailleurs à côté des annales, documents écrits et authentiques, une tradition orale qui se perpétuait parmi le peuple d’une cité : non pas tradition vague et indifférente comme le sont les nôtres, mais tradition chère aux villes, qui ne variait pas au gré de l’imagination, et qu’on n’était pas libre de modifier ; car elle faisait partie du culte et elle se composait de récits et de chants qui se répétaient d’année en année dans les fêtes de la religion. Ces hymnes sacrés et immuables fixaient les souvenirs et ravivaient perpétuellement la tradition.

Sans doute on ne peut pas croire que cette tradition eût l’exactitude des annales. Le désir de louer les dieux pouvait être plus fort que l’amour de la vérité. Pourtant elle devait être au moins le reflet des annales et se trouver ordinairement d’accord avec elles. Car les prêtres qui rédigeaient et qui liaient celles-ci, étaient les mêmes qui présidaient aux fêtes où les vieux récits étaient chantés.

Il vint d’ailleurs un temps où ces annales furent divulguées ; Rome finit par publier les siennes ; celles des autres villes italiennes furent connues ; les prêtres des villes grecques ne se firent plus scrupule de raconter ce que les leurs contenaient. On