Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/238

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anciens fut toujours sainte ; au temps de la royauté elle était la reine des rois ; au temps des républiques elle fut la reine des peuples. Lui désobéir était un sacrilège.

En principe, la loi était immuable, puisqu’elle était divine. Il est à remarquer que jamais on n’abrogeait les lois. On pouvait bien en faire de nouvelles, mais les anciennes subsistaient toujours, quelque contradiction qu’il y eût entre elles. Le code de Dracon n’a pas été aboli par celui de Solon[1], ni les Lois Royales par les Douze Tables. La pierre où la loi était gravée était inviolable ; tout au plus les moins scrupuleux se croyaient-t-ils permis de la retourner. Ce principe a été la cause principale de la grande confusion qui se remarque dans le droit ancien. Des lois opposées et de différentes époques s’y trouvaient réunies ; et toutes avaient droit au respect. On voit dans un plaidoyer d’Isée deux hommes se disputer un héritage ; chacun d’eux allègue une loi en sa faveur ; les deux lois sont absolument contraires et également sacrées. C’est ainsi que le code de Manou garde l’ancienne loi qui établit le droit d’aînesse, et en écrit une autre à côté qui prescrit le partage égal entre les frères.

La loi antique n’a jamais de considérants. Pourquoi en aurait-elle ? Elle n’est pas tenue de donner ses raisons ; elle est, parce que les dieux l’ont faite. Elle ne se discute pas, elle s’impose ; elle est une œuvre d’autorité ; les hommes lui obéissent parce qu’ils ont foi en elle.

Pendant de longues générations, les lois n’étaient pas écrites ; elles se transmettaient de père en fils, avec la croyance et la formule de prière. Elles étaient une tradition sacrée qui se perpétuait autour du foyer de la famille ou du foyer de la cité.

Le jour où l’on a commencé à les mettre en écrit,

  1. Andocide, I, 82, 83 ; Démosthène, in Everg., 71.