Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/351

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disait que tous les Athéniens étaient libres. La vieille religion saisissait l’homme au sortir de l’Assemblée où il avait librement voté, et lui disait : Tu es lié à un eupatride par le culte ; tu lui dois respect, déférence, soumission ; comme membre d’une cité, Solon t’a fait libre ; mais comme membre d’une tribu, tu obéis à un eupatride ; comme membre d’une phratrie, tu as encore un eupatride pour chef ; dans la famille même, dans le γένος où tes ancêtres sont nés et dont tu ne peux pas sortir, tu retrouves encore l’autorité d’un eupatride. A quoi servait-il que la loi politique eût fait de cet homme un citoyen, si la religion et les mœurs persistaient à en faire un client ? Il est vrai que depuis plusieurs générations beaucoup d’hommes se trouvaient en dehors de ces cadres, soit qu’ils fussent venus de pays étrangers, soit qu’ils se fussent échappés du γένος et de la tribu pour être libres. Mais ces hommes souffraient d’une autre manière ; ils se trouvaient dans un état d’infériorité morale vis-à-vis des autres hommes, et une sorte d’ignominie s’attachait à leur indépendance.

Il y avait donc, après la réforme politique de Solon, une autre réforme à opérer dans le domaine de la religion. Clisthènes l’accomplit en supprimant les quatre anciennes tribus religieuses, et en les remplaçant par dix tribus qui étaient partagées en un certain nombre de dèmes.

Ces tribus et ces dèmes ressemblèrent en apparence aux anciennes tribus et aux γένη. Dans chacune de ces circonscriptions il y eut un culte, un prêtre, un juge, des réunions pour les cérémonies religieuses, des assemblées pour délibérer sur les intérêts communs.[1] Mais les groupes nouveaux différèrent des anciens en deux points essentiels. D’abord, tous les hommes libres d’Athènes, même ceux qui n’

  1. Eschine, in Ctésiphon, 30. Démosthène, in Eubul. Pollux, VIII, 19, 95, 107.