Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/364

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du bon ; que ne savait-on la faire servir aux intérêts de la cité ? Ces sénateurs souhaitaient donc qu’au prix de quelques sacrifices, dont ils ne prévoyaient peut-être pas toutes les conséquences, on ramenât dans la ville ces milliers de bras qui faisaient la force des légions.

D’autre part, la plèbe s’aperçut, au bout de peu de mois, qu’elle ne pouvait pas vivre sur le mont Sacré.

Elle se procurait bien ce qui était matériellement nécessaire à l’existence. Mais tout ce qui fait une société organisée lui manquait. Elle ne pouvait pas fonder là une ville, car elle n’avait pas de prêtre qui sût accomplir la cérémonie religieuse de la fondation. Elle ne pouvait pas se donner de magistrats, car elle n’avait pas de prytanée régulièrement allumé où un magistrat eût l’occasion de sacrifier. Elle ne pouvait pas trouver le fondement des lois sociales, puisque les seules lois dont l’homme eût alors l’idée, dérivaient de la religion patricienne. En un mot, elle n’avait pas en elle les éléments d’une cité. La plèbe vit bien que, pour être plus indépendante, elle n’était pas plus heureuse, qu’elle ne formait pas une société plus régulière qu’à Rome, et qu’ainsi le problème dont la solution lui importait si fort n’était pas résolu. Il ne lui avait servi de rien de s’éloigner de Rome ; ce n’était pas dans l’isolement du mont Sacré qu’elle pouvait trouver les lois et les droits auxquels elle aspirait.

Il se trouvait donc que la plèbe et le patriciat, n’ayant presque rien de commun, ne pouvaient pourtant pas vivre l’un sans l’autre. Ils se rapprochèrent et conclurent un traité d’alliance. Ce traité paraît avoir été fait dans les mêmes formes que ceux qui terminaient une guerre entre deux peuples différents ; plèbe et patriciat n’étaient en effet ni un même peuple ni une même cité. Par ce traité, le patriciat n’accorda pas que la plèbe fît partie de la cité religieuse et politique ; il ne semble même pas que