Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/371

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ne s’étendît pas hors de Rome, et pour cela on avait décidé qu’un tribun ne sortirait jamais de la ville. A l’armée, la plèbe était donc sujette, et il n’y avait plus double pouvoir ; en présence de l’ennemi, Rome redevenait une.

Puis, grâce à l’habitude prise sous les derniers rois et conservée après eux de réunir l’armée et de la consulter sur les intérêts publics ou sur le choix des magistrats, il y avait des assemblées mixtes où la plèbe figurait à côté des patriciens. Or nous voyons clairement dans l’histoire que ces comices par centuries prirent de plus en plus d’importance et devinrent insensiblement ce qu’on appela les grands comices En effet dans le conflit qui était engagé entre l’assemblée par curies et l’assemblée par tribus, il paraissait naturel que l’assemblée centuriate devînt une sorte de terrain neutre où les intérêts généraux fussent débattus de préférence.

Le plébéien n’était pas toujours un pauvre. Souvent il appartenait à une famille qui était originaire d’une autre ville, qui y avait été riche et considérée, et que le sort de la guerre avait transportée à Rome sans lui enlever la richesse ni ce sentiment de dignité qui d’ordinaire l’accompagne. Quelquefois aussi le plébéien avait pu s’enrichir par son travail, surtout au temps des rois. Lorsque Servius avait partagé la population en classes d’après la fortune, quelques plébéiens étaient entrés dans la première. Le patriciat n’avait pas osé ou n’avait pas pu abolir cette division en classes. Il ne manquait donc pas de plébéiens qui combattaient à côté des patriciens dans les premiers rangs de la légion et qui votaient avec eux dans les premières centuries.

Cette classe riche, fière, prudente aussi, qui ne pouvait pas se plaire aux troubles et devait les redouter, qui avait beaucoup à perdre si Rome tombait, et beaucoup à gagner si elle s’élevait, fut un intermédiaire naturel entre les deux ordres ennemis.