Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/386

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la gens encore indivise était l’unique propriétaire du domaine, qu’on avait partagé depuis. Les Douze Tables laissent de côté ces principes vieillis ; elles considèrent la propriété comme appartenant, non plus à la gens, mais à l’individu ; elles reconnaissent donc à l’homme le droit de disposer de ses biens par testament.

Ce n’est pas que dans le droit primitif le testament fût tout à fait inconnu. L’homme pouvait déjà se choisir un légataire en dehors de la gens, mais à la condition de faire agréer son choix par l’assemblée des curies ; en sorte qu’il n’y avait que la volonté de la cité entière qui pût faire déroger à l’ordre que la religion avait jadis établi. Le droit nouveau débarrasse le testament de cette règle gênante, et lui donne une forme plus facile, celle d’une vente simulée. L’homme feindra de vendre sa fortune à celui qu’il aura choisi pour légataire ; en réalité il aura fait un testament, et il n’aura pas eu besoin de comparaître devant l’assemblée du peuple.

Cette forme de testament avait le grand avantage d’être permise au plébéien. Lui qui n’avait rien de commun avec les curies, il n’avait eu jusqu’alors aucun moyen de tester.[1] Désormais il put user du procédé de la vente fictive et disposer de ses biens. Ce qu’il y a de plus remarquable dans cette période de l’histoire de la législation romaine, c’est que par l’introduction de certaines formes nouvelles le droit put étendre son action et ses bienfaits aux classes inférieures. Les anciennes règles et les anciennes formalités n’avaient pu et ne pouvaient encore convenablement s’appliquer qu’aux familles religieuses ; mais on imaginait de nouvelles règles et de nouveaux procédés qui fussent applicables aux plébéiens.

  1. Il y avait bien le testament in procinctu ; mais nous ne sommes pas bien renseignés sur cette sorte de testament ; peut-être était-il au testament calatis comitiis ce que l’assemblée par centuries était à l’assemblée par curies.