Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/184

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pas chaud ce soir : on voit que nous arrivons à la fin de novembre.

Et le brave homme, montrant le chemin aux enfants, marcha devant eux dans un corridor étroit et sombre. André suivait, portant Julien sur ses bras. Le petit garçon était bien désolé, mais il se rappela fort à point les résolutions de courage qu’il venait de prendre après avoir lu la vie du chevalier sans peur et sans reproche : il voulut donc faire aussi bonne figure devant cette déception nouvelle que le grand Bayard eût pu faire en face des ennemis.

On arriva dans une chambre où la femme du marin préparait le souper. Trois enfants en bas âge jouaient dans un coin. André s’assit près de la fenêtre et le marin en face de lui.

— Voici ce qui en est, reprit le marin. Ce pauvre Volden avait en Alsace-Lorraine un frère aîné à l’égard duquel il a eu des torts jadis, ce qui fait qu’ils ne s’écrivaient point. Depuis la dernière guerre, Frantz songeait souvent au pays. Il se disait tous les jours : « Mon aîné doit être bien malheureux là-bas, car il a subi les misères de la guerre et des sièges ; mais moi, j’ai quelques économies et je lui dirai : — Oublie mes torts, Michel. Viens-t’en en France avec moi, nous achèterons un petit bout de terre, et nous ferons valoir cela à nous deux. » Mais auparavant Frantz avait des affaires à régler à Bordeaux, et il est parti par Cette pour s’y rendre, travaillant le long de son chemin à son métier de charpentier de marine, afin de se défrayer du voyage.

— Hélas ! dit André tristement, nous venons, nous, jusque d’Alsace-Lorraine pour le trouver. Nous sommes les fils de ce frère qu’il voulait revoir, et qui est mort ; mais en mourant, notre père nous avait fait promettre d’aller rejoindre notre oncle, et nous sommes venus. Nous avions d’abord écrit trois lettres, mais on ne nous a pas répondu.

— Je le crois bien, dit le marin en ouvrant son armoire et en montrant les trois lettres précieusement enveloppées : elles sont arrivées après le départ de Frantz. J’attendais à avoir son adresse pour les lui envoyer ; mais depuis cinq mois il ne m’a pas donné signe de vie.

André réfléchissait tristement. — Comment allons-nous faire ? dit-il enfin. Nous ne savons pas l’adresse de notre oncle à Bordeaux ; et d’ailleurs nous ne pourrions aller