n’avait travaillé sans cesse à le vider. Souvent même André était obligé de laisser la rame pour aider l’enfant.
Le plus grand péril pour le moment, c’étaient les écueils où le navire venait de s’échouer. On ne les voyait point, mais on entendait le perpétuel mugissement, bien connu des marins, que les flots produisent en se brisant contre les rochers ; et parfois, quand un éclair déchirait la nue, on apercevait à l’endroit des récifs toute une longue ligne blanche d’écume.
Avec une merveilleuse habileté le vieux pilote, qui connaissait toutes les côtes de France depuis vingt ans, et encore mieux celles de Bretagne et de Normandie, guidait l’embarcation pour regagner la haute mer. Il n’y avait aucun port assez rapproché où l’on pût trouver un abri ; mieux valait le large que la côte hérissée de récifs.
Ce fut une longue nuit d’angoisses. Enfin les premiers rayons du jour parurent et éclairèrent la mer bouleversée. Nos amis étaient seuls sur l’Océan, enveloppés par une brume épaisse comme cela arrive dans les tempêtes.
Ils se regardèrent les uns les autres ; puis l’oncle Frantz, comme saisi d’une pensée soudaine, serra les mains du vieux pilote dans les siennes, et d’une voix que l’émotion suffoquait : — Guillaume, dit-il, comment nous acquitterons-nous jamais envers toi ?
— C’est bien simple, répondit le vieux marin en promenant autour de lui ses yeux clairs et résolus ; et plus gravement il reprit : — Frantz, dans un même péril, tu feras pour un autre ce que je fais pour toi aujourd’hui, et les enfants de même.