comme des maisons ! Et des mottes de beurre empilées par centaines et par mille !
— Sais-tu, dit André, ce qu’il faut à peu près de bœufs et de vaches pour nourrir Paris pendant un an ? J’ai vu cela dans un livre, moi ; il faut deux cent mille bœufs ou vaches, cent mille veaux, un million de moutons et cent mille porcs, sans compter la volaille, le poisson et le gibier.
— Mais, dit l’enfant, ce Paris est un Gargantua, comme on dit ; où trouve-t-on tous ces troupeaux ?
— Julien, dit l’oncle Frantz, ces armées de troupeaux arrivent à Paris de tous les points de la France : Paris a sept gares de chemins de fer ; il a aussi la navigation de la Seine à laquelle aboutissent les réseaux des canaux français. Par toutes les voies les provisions lui arrivent. Tiens, regarde par exemple cet étalage de légumes : il y a là des choses qui ont passé la mer pour arriver à Paris ; voici des artichauts, penses-tu qu’il puisse en pousser un seul en ce moment de l’année dans les campagnes voisines de Paris ?
— Non, il fait encore trop froid.
— Eh bien, Alger où il fait chaud envoie les siens à Paris, qui les lui paie très cher. Ces fromages viennent du Jura, de l’Auvergne, du Mont-d’Or, que tu te rappelles bien ; ces montagnes de beurre, ces paniers d’œufs viennent de la grasse Normandie et de la Bretagne : Paris mange chaque année pour plus de vingt millions de francs d’œufs, ce qui suppose près de trois cents millions d’œufs.
— Mon Dieu, dit Julien, que de monde est occupé en France à nourrir Paris !
— Petit Julien, dit André, pendant que les agriculteurs sèment et moissonnent pour Paris, Paris ne reste pas à rien faire, lui, car c’est la ville la plus industrieuse du monde. Ses ouvriers travaillent pour la France à leur tour, et leur travail est d’un fini, d’un goût tels qu’ils n’ont guère de rivaux en Europe. Et les savants de Paris, donc ! ils pensent et cherchent de leur côté ; leurs livres et leurs découvertes nous arrivent en province.
— Oui, ajouta l’oncle Frantz, ils nous enseignent à cultiver notre intelligence, à chercher le mieux sans cesse, pour faire de la patrie une réunion d’hommes instruits et généreux, pour lui conserver sa place parmi les premières nations du monde.