Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/72

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la carriole chancela prête à verser dans le fossé, qui, à cet endroit, était profond.

— Mon Dieu ! dit André, il va arriver malheur à cet homme.

— Tant pis pour lui, dit Julien, qui gardait rancune à l’ivrogne ; il n’aura que ce qu’il mérite.

André reprit doucement : — Peut-être sa femme et ses enfants l’attendent-ils en ce moment, Julien ; peut-être, si nous l’abandonnons ainsi, le verront-ils rapporter chez eux blessé, sanglant, comme l’était notre père.

En entendant ces paroles, Julien se jeta au cou de son frère : — Tu es meilleur que moi, André, s’écria-t-il ; mais comment faire ?

— Marchons à côté du cheval, nous le tiendrons par la bride. Si le voiturier s’éveille, nous nous sauverons.

— Et s’il ne s’éveille point ?

— Nous verrons alors ce qu’il y a de mieux à faire. En tout cas, nous avons commis une étourderie ce matin en nous liant avec lui si rapidement ; ne faisons pas ce soir une mauvaise action en l’abandonnant sur la grande route. Un honnête homme ne laisse point sans secours un autre homme en danger, quel qu’il soit. Nous sommes tous frères.



XXXII. — Une rencontre sur la route. — Les gendarmes. — Loi Grammont, protectrice des animaux.


Quand on n’a rien à se reprocher, on n’a point sujet d’avoir peur.


Les deux enfants hâtèrent le pas et rejoignirent le cheval ; ils marchèrent auprès de lui, le dirigeant et l’empêchant de heurter la voiture aux tas de pierres.

Ils allèrent ainsi longtemps, et l’ivrogne ne s’éveillait point. Julien était exténué de fatigue, car le pas du cheval était difficile à suivre pour ses petites jambes, mais il avait repris son courage habituel. — Ce que nous faisons est bien, pensait-il, il faut donc marcher bravement.

Enfin nos enfants aperçurent deux gendarmes qui arrivaient à cheval derrière eux. André, aussitôt, s’avança à leur rencontre, et simplement il leur raconta ce qui était arrivé, leur demandant conseil sur ce qu’il y avait de mieux à faire.

Les gendarmes, d’un ton sévère, commencèrent par dire à André de montrer ses papiers. Il les leur présenta aussitôt. Lorsqu’ils les eurent vérifiés, ils se radoucirent.

— Allons, dit l’un d’eux, qui avait un fort accent alsacien,