Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/169

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nante étaient sorties. Une femme de chambre était occupée à inonder l’infortunée marquise de toutes sortes d’eaux propres à calmer les nerfs.

Elle accueillit le magistrat comme un envoyé de la sainte Trinité même. En un peu plus d’une demi-heure, avec force interjections et plus d’imprécations encore, elle narra son odyssée.

— Comprenez-vous ce juge ! s’écria-t-elle. Ce doit être quelque frénétique jacobin, quelque fils des forcenés qui ont trempé leurs mains dans le sang du roi. Oui, mon ami ! je lis la stupeur et l’indignation sur votre visage… il a donné raison à cet impudent drôle à qui je faisais gagner sa vie en lui donnant du travail ! Et comme je lui adressais de sévères remontrances, ainsi qu’il était de mon devoir, il m’a fait chasser. Chasser ! moi !…

À ce souvenir si pénible, elle fit du bras un geste terrible de menace. Dans son brusque mouvement elle atteignit un flacon que tenait la femme de chambre, un flacon superbe qui alla se briser à l’extrémité du boudoir.

— Bête ! maladroite, sotte ! cria la marquise.

M. Daburon, tout étourdi d’abord, entreprit de calmer un peu l’exaspération de madame d’Arlange. Elle ne lui laissa pas prononcer trois paroles.

— Heureusement, vous voilà, continua-t-elle. Vous m’êtes tout acquis, je le sais. Je compte que vous allez vous mettre en mouvement, et que, grâce à votre