Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/269

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gardez-vous d’en sortir sans mes ordres. Demain je vous ferai connaître mes volontés.

Albert salua respectueusement, mais sans baisser les yeux, et gagna lentement la porte. Il l’ouvrait déjà, quand M. de Commarin eut un de ces retours si fréquents chez les natures violentes.

— Albert, dit-il, revenez, écoutez-moi.

Le jeune homme se retourna, singulièrement touché de ce changement de ton.

— Vous ne sortirez pas, reprit le comte, sans que je vous aie dit ce que je pense. Vous êtes digne d’être l’héritier d’une grande maison, monsieur. Je puis être irrité contre vous, je ne puis pas ne vous pas estimer. Vous êtes un honnête homme. Albert, donnez-moi votre main.

Ce fut un doux moment pour ces deux hommes, et tel qu’ils n’en avaient guère rencontré dans leur vie réglée par une triste étiquette. Le comte se sentait fier de ce fils, et il se reconnaissait en lui tel qu’il était à cet âge. Pour Albert, le sens de la scène qu’il venait d’avoir avec son père éclatait à ses yeux ; il lui avait jusqu’alors échappé. Longtemps leurs mains restèrent unies, sans qu’ils eussent la force, ni l’un ni l’autre, de prononcer une parole.

Enfin, M. de Commarin revint prendre sa place sous le tableau généalogique.

— Je vous demanderai de me laisser, Albert, reprit-il doucement. J’ai besoin d’être seul pour ré-