Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/278

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mense cachant les maisons voisines. Les corbeilles du parterre, garnies d’arbustes verts, apparaissaient comme de grands dessins noirs, tandis que dans les allées soigneusement sablées scintillaient les débris de coquilles, les petits morceaux de verre et les cailloux polis. À droite, dans les communs, encore éclairés, on entendait aller et venir les domestiques ; les sabots des palefreniers sonnaient sur le bitume de la cour. Les chevaux piétinaient dans les écuries et on distinguait le grincement de la chaîne de leur licol glissant le long des tringles du râtelier. Dans les remises on dételait la voiture qu’on tenait prête toute la soirée pour le cas où le comte voudrait sortir.

Albert avait là, sous les yeux, le tableau complet de sa magnifique existence. Il soupira profondément.

— Fallait-il donc perdre tout cela ? murmura-t-il. Déjà, pour moi seul, je n’aurais pu abandonner sans regrets tant de splendeurs, le souvenir de Claire m’aura désespéré. N’ai-je pas rêvé pour elle une de ces vies heureuses et exceptionnelles, presque impossibles sans une immense fortune !

Minuit sonna à Sainte-Clotilde, dont il pouvait, en se penchant un peu, apercevoir les flèches jumelles. Il frissonna, il avait froid.

Il referma sa fenêtre et vint s’asseoir près du feu qu’il aviva. Dans l’espoir d’obtenir une trêve de ses pensées, il prit un journal du soir, le journal où était