Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/387

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— Dans tous les cas, ajouta-t-il, votre couvert sera mis ici. Je dîne à six heures et demie précises, je serai content de vous voir.

Il sonna, « monsieur le premier » parut.

— Denis, lui dit-il, aucune des consignes que je donnerai ne regardera monsieur. Vous préviendrez les gens. Monsieur est ici chez lui.

L’avocat sorti, le comte de Commarin éprouva de se trouver seul un bien-être immense.

Depuis le matin, les événements s’étaient précipités avec une si vertigineuse rapidité que sa pensée n’avait pu les suivre. Il pouvait enfin réfléchir.

— Voici donc, se disait-il, mon fils légitime. Je suis sûr de la naissance de celui-ci. Certes, j’aurais mauvaise grâce à le renier, je retrouve en lui mon portrait vivant lorsque j’avais trente ans. Il est bien, ce Noël, très-bien même. Sa physionomie prévient en sa faveur. Il est intelligent et fin. Il a su être humble sans bassesse et ferme sans arrogance. Sa nouvelle fortune si inattendue ne l’étourdit pas. J’augure bien d’un homme qui sait tenir tête à la prospérité. Il pense bien, il portera fièrement son nom. Et pourtant, je ne sens pour lui nulle sympathie, il me semble que je regretterai mon pauvre Albert. Je n’ai pas su l’apprécier. Malheureux enfant ! Commettre un vil crime ! Il avait perdu la raison. Je n’aime pas l’œil de celui-ci, il est trop clair. On assure qu’il est parfait. Il montre au moins les