Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/412

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çut qu’il tombait aussi de besoin. Les émotions de la journée l’avaient empêché de sentir la faim, et depuis la veille il n’avait pas pris un verre d’eau. Il entra dans un restaurant du boulevard et se fit servir à dîner.

À mesure qu’il mangeait, non-seulement le courage, mais encore la confiance, lui revenaient insensiblement. C’était bien, pour lui, le cas de s’écrier : Pauvre humanité ! Qui ne sait combien peut changer la teinte des idées, du commencement à la fin d’un repas, si modeste qu’il soit ! Il s’est trouvé un philosophe pour prouver que l’héroïsme est une affaire d’estomac.

Le bonhomme envisageait la situation sous un jour bien moins sombre. N’avait-il pas du temps devant lui ! Que ne fait pas en un mois un habile homme ! Sa pénétration habituelle le trahirait-elle donc ? Non, certainement. Son grand regret était de ne pouvoir faire avertir Albert que quelqu’un travaillait pour lui.

Il était tout autre en sortant de table, et c’est d’un pas allègre qu’il franchit la distance qui le séparait de la rue Saint-Lazare. Neuf heures sonnaient lorsque son portier lui tira le cordon.

Il commença par grimper jusqu’au quatrième étage, afin de prendre des nouvelles de son ancienne amie, de celle qu’il appelait jadis l’excellente, la digne madame Gerdy.