Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/28

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devant un bahut attaqué déjà, mais non ouvert encore, une hache à fendre le bois que le valet de chambre reconnut pour appartenir à la maison.

— Comprenez-vous maintenant, disait le maire au père Plantat. Les assassins étaient en nombre, c’est évident. Le meurtre accompli, ils se sont répandus dans la maison, cherchant partout l’argent qu’ils savaient s’y trouver. L’un d’eux était ici occupé à enfoncer ce meuble lorsque les autres, en bas, ont mis la main sur les valeurs ; on l’a appelé, il s’est empressé de descendre, et jugeant toute recherche désormais inutile, il a abandonné ici cette hache.

— Je vois la chose comme si j’y étais, approuva le brigadier.

Le rez-de-chaussée qu’on visita ensuite avait été respecté. Seulement, le crime commis, les valeurs enlevées, les assassins avaient senti le besoin de se reconforter. On retrouva dans la salle à manger des débris de leur souper. Ils avaient dévoré tous les reliefs restés dans les buffets. Sur la table, à côté de huit bouteilles vides, — bouteilles de vin ou de liqueurs — cinq verres étaient rangés.

— Ils étaient cinq, murmura le maire.

À force de volonté, l’excellent M. Courtois avait recouvré son sang-froid habituel.

— Avant d’aller relever les cadavres, dit-il, je vais expédier un mot au procureur impérial de Corbeil. Dans une heure, nous aurons un juge d’instruction qui achèvera notre pénible tâche.

Ordre fut donné à un gendarme d’atteler le tilbury du comte et de partir en toute hâte.

Puis, le maire et le juge, suivis du brigadier, du valet de chambre et des deux Bertaud s’acheminèrent vers la rivière.

Le parc de Valfeuillu est très-vaste ; mais c’est de droite et de gauche qu’il s’étend. De la maison à la Seine, il n’y a guère plus de deux cents pas. Devant la maison verdoie une belle pelouse coupée de corbeilles