Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Chut !… Il y a là trois médecins en consultation depuis une heure, et je n’ai pu réussir à surprendre une seule de leurs paroles. Qui sait ce qu’ils disent ? Je ne serai tranquille qu’après leur départ.

Les transes de Berthe n’étaient pas sans quelque fondement. Lors de la dernière rechute de Sauvresy, quand il s’était plaint de névralgies très-douloureuses à la face, et d’un odieux goût de poivre, le docteur R… avait laissé échapper un singulier mouvement de lèvres.

Ce n’était rien, ce mouvement, mais Berthe l’avait surpris, elle avait cru y deviner l’involontaire traduction d’un soupçon rapide, et il était resté présent à son esprit comme un avertissement et une menace.

Le soupçon, cependant, s’il y en eut jamais un, dut s’évanouir bien vite. Douze heures plus tard, les phénomènes avaient complètement changé et le lendemain le malade éprouvait toute autre chose. Même, cette variété d’indices, cette inconsistance des symptômes n’avait pas dû peu contribuer à égarer les conjectures des médecins.

Depuis ces derniers jours, Sauvresy ne souffrait presque plus, affirmait-il, et reposait assez bien la nuit. Mais il accusait des accidents bizarres, déconcertants et parfois excessifs.

Évidemment il allait s’affaiblissant d’heure en heure, il s’éteignait et tout le monde s’en apercevait.

C’est en cet état de choses que le docteur R… avait demandé une consultation et lorsque Trémorel reparut, Berthe, le cœur serré, en attendait les résultats.

Enfin, la porte du petit salon s’ouvrit et la placide figure des hommes de l’art dut rassurer l’empoisonneuse.

Désolantes étaient les conclusions de cette consultation. Tout avait été tenté, épuisé, on n’avait négligé aucune des ressources humaines ; on ne pouvait plus rien attendre que de l’énergique constitution du malade.

Plus froide que le marbre, immobile, les yeux pleins