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XXV


Avez-vous besoin d’argent ?

Voulez-vous un habillement complet à la dernière mode, une calèche à huit ressorts ou une paire de bottines ? Vous faudrait-il un cachemire de l’Inde, un service de porcelaine ou un bon tableau pas cher ? Est-ce un mobilier que vous souhaitez, de noyer ou de palissandre, ou des diamants, ou des draps, ou des dentelles, ou une maison de campagne, ou votre provision de bois pour l’hiver ?

Adressez-vous à Mme  Charman, 136, rue Notre-Dame-de-Lorette, au premier au-dessus de l’entresol, car elle tient tout cela et même d’autres articles encore qu’il est défendu de considérer comme marchandise.

Si, homme, vous avez quelque garantie à lui présenter, ne fût-ce qu’un traitement saisissable, si, femme, vous êtes jeune, jolie et point farouche, Mme  Charman se fera un plaisir de vous obliger à raison de deux cents pour cent d’intérêt.

À ce taux elle a beaucoup de pratiques et n’a pourtant pas encore fait fortune. C’est qu’elle est forcément très-aventureuse, qu’il y a d’énormes pertes, s’il y a de prodigieux profits, et que souvent ce qui est venu par la flûte s’en va par le tambour.

Puis, ainsi qu’elle se plaît à le dire, elle est trop honnête. Et c’est vrai, au moins, qu’elle est honnête : elle vendrait sa dernière chemise brodée plutôt que de laisser protester sa signature.

Personne, d’ailleurs, moins que Mme  Charman ne ressemble à cette horrible grosse femme à voix rauque, à geste cynique, chargée de bagues et de chaînes d’or, qui est le type de la marchande à la toilette.

Elle est blonde, mince, douce, ne manque pas d’une