Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/38

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— Un ange ! Monsieur, un ange sur la terre ! Pauvre femme ! Vous allez voir ses restes mortels tout à l’heure, et certes vous ne devinerez pas qu’elle a été la reine du pays, par la beauté.

— Le comte et la comtesse étaient-ils riches ?

— Certes ! Ils devaient réunir à eux deux plus de cent mille francs de rentes ; oh ! oui, beaucoup plus ; car, depuis cinq ou six mois, le comte, qui n’avait pas pour la culture les aptitudes de ce pauvre Sauvresy, vendait les terres pour acheter de la rente.

— Étaient-ils mariés depuis longtemps ?

M. Courtois se gratta la tête ; c’était son invocation à la mémoire.

— Ma foi, répondit-il, c’est au mois de septembre de l’année dernière ; il y a juste dix mois que je les ai mariés moi-même. Il y avait un an que ce pauvre Sauvresy était mort.

Le juge d’instruction abandonna ses notes pour regarder le maire d’un air surpris.

— Quel est, demanda-t-il, ce Sauvresy dont vous nous parlez ?

Le père Plantat, qui se mordillait furieusement les ongles dans son coin, étranger en apparence à ce qui se passait, se leva vivement.

— M. Sauvresy, dit-il, était le premier mari de Mme de Trémorel ; mon ami Courtois avait négligé ce fait…

— Oh ! riposta le maire d’un ton blessé, il me semble que dans les conjonctures présentes…

— Pardon, interrompit le juge d’instruction, il est tel détail qui peut devenir précieux bien qu’étranger à la cause, et même insignifiant au premier abord.

— Hum ! grommela le père Plantat, insignifiant !… étranger !…

Son ton était à ce point singulier, son air si équivoque, que le juge d’instruction en fut frappé.

— Ne partageriez-vous pas, monsieur, demanda-t-il, les opinions de monsieur le maire sur le compte des époux Trémorel ?