Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/383

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— Comment, chère petite, disait-elle, vous vous fâchez lorsque je comptais que vous alliez être ravie et me remercier bien gentiment.

— Moi ! Pourquoi ?…

— Parce que, belle mignonne, j’ai voulu vous réserver une bonne surprise. Ah ! je ne suis pas ingrate, moi. Vous êtes venue hier régler votre petit compte, je veux aujourd’hui même vous en récompenser. Allons, vite, souriez, vous allez profiter d’une occasion magnifique, j’ai en ce moment du velours en grande largeur…

— C’était bien la peine de me déranger !…

— Tout soie, ma chère, à trente francs le mètre. Hein ! est-ce assez inouï, assez invraisemblable, assez…

— Eh ! je me soucie bien de votre occasion ! Du velours au mois de juillet, vous moquez-vous de moi ?

— Laissez-moi vous le montrer.

— Jamais. On m’attend pour aller dîner à Asnières, ainsi…

Elle allait se retirer en dépit des efforts très-sincères de Mme  Charman, qui se proposait peut-être de faire d’une pierre deux coups, M. Lecoq jugea qu’il était temps d’intervenir.

— Mais je ne me trompe pas, s’écria-t-il avec des mines de vieux roquentin émoustillé, c’est bien miss Jenny Fanny que j’ai le bonheur de revoir.

Elle le toisa d’un air moitié fâché, moitié surpris, en disant :

— Oui, c’est moi. Après ?

— Quoi ! vous êtes oublieuse à ce point ! Vous ne me reconnaissez pas ?

— Non, pas du tout.

— J’étais cependant un de vos admirateurs, ma belle enfant, et j’ai eu le plaisir de déjeuner chez vous quand vous demeuriez près de la Madeleine ; c’était du temps du comte.

Il retira ses lunettes, comme pour en essuyer les verres, mais en réalité pour lancer un regard furibond à