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IV


Monsieur le maire d’Orcival se trompait.

La porte du salon s’ouvrit brusquement et on aperçut, tenu d’un côté par un gendarme, de l’autre par un domestique, un homme, d’apparence grêle, qui se défendait furieusement et avec une énergie qu’on ne lui eût point soupçonnée.

La lutte avait duré assez longtemps déjà, et ses vêtements étaient dans le plus effroyable désordre. Sa redingote neuve était déchirée, sa cravate flottait en lambeaux, le bouton de son col avait été arraché, et sa chemise ouverte laissait à nu sa poitrine. Il avait perdu sa coiffure, et ses longs cheveux noirs et plats retombaient pêle-mêle sur sa face contractée par une affreuse angoisse.

Dans le vestibule et dans la cour, on entendait les cris furieux des gens du château et des curieux, — ils étaient plus de cent — que la nouvelle d’un crime avait réunis devant la grille et qui brûlaient de savoir et surtout de voir.

Cette foule enragée criait :

— C’est lui ! À mort l’assassin ! C’est Guespin ! Le voilà !!

Et le misérable pris d’une frayeur immense continuait à se débattre.

— Au secours ! hurlait-il d’une voix rauque, à moi ! Lâchez-moi, je suis innocent !

Il s’était cramponné à la porte du salon et on ne pouvait le faire avancer.

— Poussez-le donc, commanda le maire, que l’exaspération de la foule gagnait peu à peu, poussez-le !