Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/68

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interrompit l’agent de la sûreté, je le sais déjà. Nous disons assassinat ayant le vol pour mobile, et nous partons de là. Nous avons ensuite l’escalade, le bris de clôture, les appartements bouleversés. Le cadavre de la comtesse a été retrouvé, mais le corps du comte est introuvable. Quoi encore ? La Ripaille est arrêté, c’est un mauvais drôle, en tout état de cause il mérite un peu de prison. Guespin est revenu ivre. — Ah ! il a de rudes charges contre lui, ce Guespin. — Ses antécédents sont déplorables : on ne sait où il a passé la nuit, il refuse de répondre, il ne fournit pas d’alibi… c’est grave, très-grave.

Le père Plantat examinait le doux agent avec un visible plaisir. Les autres auditeurs ne dissimulaient pas leur surprise.

— Qui donc vous a renseigné ? demanda le juge d’instruction.

— Eh ! eh ! répondit M. Lecoq, tout le monde un peu.

— Mais où ?

— Ici, je suis arrivé depuis plus de deux heures déjà, j’ai même entendu le discours de monsieur le maire.

Et satisfait de l’effet produit, M. Lecoq avala un carré de pâte.

— Comment, fit M. Domini d’un ton mécontent, vous ne saviez donc pas que je vous attendais.

— Pardon, répondit l’agent de la sûreté, j’espère pourtant que monsieur le juge voudra bien m’entendre. C’est que l’étude du terrain est indispensable ; il faut voir, dresser ses batteries. Je tiens à recueillir les bruits publics, l’opinion, comme on dit, pour m’en défier.

— Tout cela, prononça sévèrement M. Domini, ne justifie pas votre retard.

M. Lecoq eut un tendre regard pour le portrait.

— Monsieur le juge n’a qu’à s’informer rue de Jérusalem, répondit-il, on lui dira que je sais mon métier. L’important, pour bien faire une enquête, est de n’être point connu. La police, — c’est bête comme tout — est mal vue. Maintenant qu’on sait qui je suis et pourquoi