Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/71

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L’agent de la sûreté se tenait seul au milieu de la chambre, — les autres personnes, sur sa prière, étaient restées sur le seuil, — et promenant autour de lui son regard terne, il cherchait une signification à l’horrible désordre.

— Imbéciles ! disait-il d’une voix irritée, doubles brutes ! Non, vrai, on ne travaille pas de cette façon. Ce n’est pas une raison parce qu’on tue les gens afin de les voler, de tout casser chez eux.. On ne défonce pas les meubles, que diable ! On porte avec soi des rossignols, de jolis rossignols qui ne font aucun bruit, mais qui font d’excellente besogne. Maladroits ! idiots ! Ne dirait-on pas…

Il s’arrêta, bouche béante.

— Eh ! reprit-il, pas si maladroits peut-être.

Les témoins de cette scène se tenaient immobiles à l’entrée, suivant avec un intérêt mêlé de surprise les mouvements — il faudrait presque dire les exercices de M. Lecoq.

Agenouillé sur le tapis, il promenait sa main à plat sur le tissu épais, au milieu des morceaux de porcelaine.

— C’est humide, très-humide, tout le thé n’était pas bu, il s’en faut, quand on a cassé la porcelaine.

— Il pouvait rester beaucoup de thé dans la théière, objecta le père Plantat.

— Je le sais bien, répondit M. Lecoq, et c’est justement ce que j’étais en train de me dire. De telle sorte, que cette humidité ne suffit pas pour nous donner le moment précis du crime.

— Mais la pendule nous le donne, s’écria M. Courtois et très-exactement même.

— En effet, approuva M. Domini, monsieur le maire dans son procès-verbal explique fort bien que dans la chute le mouvement s’est arrêté.

— Eh bien ! dit le père Plantat, c’est justement l’heure de cette pendule qui m’a frappé. Elle marque trois heures et vingt minutes et nous savons que la comtesse était complètement habillée, comme dans le milieu du jour