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Se confier à lui, c’était se mettre à sa merci, soi et les siens, et il lui inspirait une terreur instinctive.

Elle en était à se demander si vraiment il lui avait dit la vérité.

En repassant dans sa tête le récit de cet homme, elle y trouvait des lacunes et des invraisemblances presque choquantes. Comment Gaston, revenu en France, habitant Paris, pauvre autant que le disait son frère, n’avait-il pas redemandé à la femme le dépôt confié à la jeune fille ?

Comment, redoutant l’avenir pour leur enfant, n’était-il pas venu la trouver, puisqu’il la supposait riche à ce point que, mourant, il se reposait sur elle ?

Mille inquiétudes vagues s’agitaient dans son esprit ; elle était pleine de soupçons inexpliqués, d’indéfinissables défiances.

Elle comprenait qu’une seule démarche positive la liait à tout jamais, et alors que n’exigerait-on pas d’elle !

Un moment, elle eut l’idée de se jeter aux pieds de son mari et de lui tout avouer.

Malheureusement, elle repoussa cette pensée de salut. Son imagination lui représentait l’atroce douleur de cet honnête homme, découvrant après plus de vingt années qu’il avait été odieusement joué.

Trompé dès le premier moment, ne redouterait-il pas d’avoir été toujours abusé ? Croirait-il à la fidélité de la femme, en découvrant la perfidie de la jeune fille ?

Elle connaissait assez André pour savoir qu’il ne dirait rien et qu’il ferait tout pour étouffer cette horrible affaire. Mais c’en serait fait du bonheur de la maison. Il déserterait le foyer, les fils s’en iraient de leur côté, tous les liens de la famille seraient brisés.

Des idées de suicide la hantaient alors. Mais elle comprenait que sa mort n’arrêterait pas l’implacable Clameran, et que, ne pouvant la déshonorer vivante, il flétrirait sa mémoire.

Par bonheur, le banquier était absent, et les deux jours qui suivirent la visite de Louis, Mme Fauvel put