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tement un de ses grands amis que je devais considérer comme le maître jusqu’à votre retour. Vous le connaissez sans doute : c’est un gros, de votre taille à peu près, avec des favoris roux.

Prosper était aussi étonné que possible. Un ami de son père, chez lui, qu’est-ce que cela voulait dire ? Cependant, il ne laissa rien voir de son étonnement.

— Oui, je sais, répondit-il, je sais.

Et gravissant rapidement l’escalier, il sonna chez lui.

L’ami de son père vint lui ouvrir.

Il était bien tel que le concierge le lui avait dépeint, assez gros, rouge de figure, ayant la lèvre sensuelle, l’œil d’une vivacité extraordinaire, l’air bon enfant, la tournure commune. Le caissier ne l’avait jamais vu.

— Charmé de faire votre connaissance, monsieur, dit-il.

Il était chez Prosper comme chez lui ; sur la table du salon était un livre qu’il était allé prendre à la bibliothèque ; encore un peu il eût fait les honneurs de l’appartement.

— Je dois vous avouer, monsieur, commença le caissier…

— Que vous êtes surpris de me trouver ici, n’est-ce pas ? Je conçois cela. Votre père se proposait de me présenter à vous, mais il a été forcé de repartir ce matin pour Beaucaire. J’ajouterai qu’il est reparti convaincu, comme je le suis moi-même, que vous n’avez pas pris un sou à M. Fauvel.

À cette nouvelle d’un heureux augure, Prosper ne put retenir une exclamation de joie.

— D’ailleurs, continuait le gros homme, cette lettre de votre père, que je suis chargé de vous remettre, remplacera, je l’espère, une présentation.

Le caissier prit la lettre qu’on lui tendait, l’ouvrit, et, à mesure qu’il lisait, sa figure s’éclairait, le sang remontait à ses joues blêmies.

Sa lecture faite, il tendit la main au gros monsieur.

— Mon père, monsieur, fit-il, me dit que vous êtes son