Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Tout est dit, pour ce soir, murmura-t-il, je n’ai plus rien à faire ici.

Et à son tour, il sortit, après avoir passé un immense pardessus qui cachait presque entièrement son costume.

Il y avait à la porte bien des voitures libres, mais le temps était beau, bien que froid, le pavé était sec, le paillasse décida qu’il rentrerait à pied, se disant que le grand air, le mouvement, la marche, tasseraient ses idées, encore confuses.

Allumant un cigare, il remonta la rue Saint-Lazare et tourna Notre-Dame-de-Lorette pour gagner le faubourg Montmartre.

Tout à coup, au moment où il s’engageait dans la rue Ollivier, un homme, sortant de l’ombre où il se tenait caché, bondit jusqu’à lui, le bras levé, et, de toutes ses forces, le frappa.

Le paillasse, heureusement pour lui, avait cet instinct merveilleux du chat, qui se dédouble, pour ainsi dire, qui peut, tout à la fois, guetter et veiller à sa sûreté, regarder d’un côté et voir de l’autre.

Il vit, ou plutôt il devina l’homme tapi dans l’ombre, et le sentit, en quelque sorte, se précipiter sur lui, et il put se renverser à demi sur ses jarrets robustes, en essayant de parer avec ses mains.

Ce mouvement lui sauva certainement la vie, et c’est dans le bras qu’il reçut le furieux coup de poignard qui devait le tuer.

La colère, encore plus que la douleur, lui arrachèrent une exclamation.

— Ah ! canaille ! s’écria-t-il.

Et aussitôt, bondissant d’un mètre en arrière, il tomba en garde.

Mais la précaution était inutile.

Voyant son coup manqué, l’assassin ne revint pas à la charge. Il poursuivit sa course et bientôt disparut dans le faubourg Montmartre.

— C’est Lagors, certainement, murmurait le paillasse, et le Clameran ne doit pas être loin. Pendant que je tour-