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tendu ou envoyé chercher plutôt que d’y toucher en mon absence.

— Peu importe, objecta Cavaillon ; avant de se désoler, il faut l’avertir.

Mais déjà M. André Fauvel était prévenu. Un garçon de bureau était monté à son cabinet et lui avait dit ce qui se passait.

Au moment où Cavaillon proposait de l’aller chercher, il parut.

M. André Fauvel est un homme de cinquante ans environ, de taille moyenne, aux cheveux grisonnants. Il est assez gros, légèrement voûté, comme tous les travailleurs acharnés, et il a l’habitude de se dandiner en marchant.

Jamais une seule de ses actions n’a démenti l’expression de bonté de son visage. Il a l’air ouvert, l’œil vif et franc, la lèvre rouge et bien épanouie. Né aux environs d’Aix, il retrouve, quand il s’anime, un léger accent provençal qui donne une saveur particulière à son esprit ; car il est spirituel.

La nouvelle portée par le garçon l’avait ému, car, lui d’ordinaire assez rouge, il était fort pâle.

— Que me dit-on ? demanda-t-il aux employés qui s’écartaient respectueusement devant lui, qu’arrive-t-il ?

La voix de M. Fauvel rendit au caissier l’énergie factice des grandes crises ; le moment décisif et redouté était arrivé ; il se leva et s’avança vers son patron.

— Monsieur, commença-t-il, ayant pour ce matin le remboursement que vous savez, j’ai, hier soir, envoyé prendre à la Banque 350,000 francs.

— Pourquoi hier, monsieur ? interrompit le banquier. Il me semble que cent fois je vous ai ordonné d’attendre au jour même.

— Je le sais, monsieur, j’ai eu tort, mais le mal est fait. Hier soir j’ai serré ces fonds, ils ont disparu, et cependant la caisse n’a pas été forcée.

— Mais vous êtes fou s’écria M. Fauvel, vous rêvez !

Ces quelques mots anéantissaient toute espérance, mais