Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/230

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placer en faisant le moins de bruit possible, toi, Louis, à la porte du parc, toi, La Verdure, à la grille. Vous autres, vous irez vous poster chacun à une porte, prêts à ouvrir. Au signal que je donnerai, en tirant un coup de pistolet, toutes les portes seront ouvertes à la fois, Louis et La Verdure lâcheront leur cheval de main et feront tout au monde pour s’élancer dehors et attirer les gendarmes sur leurs traces.

— Je me charge de les faire courir, affirma La Verdure.

— Attendez. Pendant ce temps, le comte, aidé de Saint-Jean, franchira le mur du parc, et remontera, le long de l’eau, jusqu’à la cabane de Pilorel, le pêcheur. C’est un vieux matelot de la République, un brave qui nous est dévoué, il prendra le comte dans sa barque, et une fois sur le Rhône, ils n’auront plus à craindre que Dieu !… Vous m’avez entendu, allez…

Resté seul avec son fils, le vieux marquis glissa dans une bourse de soie les bijoux que Gaston avait replacés sur la table, et ouvrant les bras

— Venez, mon fils, dit-il d’une voix qu’il s’efforçait de rendre ferme, venez que je vous bénisse.

Gaston hésitait.

— Venez, insista le marquis, je veux vous embrasser une dernière fois. Sauvez-vous, sauvez votre nom, Gaston, et après… vous savez bien que je vous aime. Reprenez ces bijoux…

Pendant près d’une minute, le père et le fils, aussi émus l’un que l’autre, se tinrent embrassés.

Mais le bruit qui redoublait à la grille, leur arrivait distinctement.

— Allons ! fit M. de Clameran.

Et, prenant à sa panoplie une paire de petits pistolets, il les remit au comte en détournant la tête et en murmurant :

— Il ne faut pas qu’on vous ait vivant, Gaston…

Malheureusement, Gaston, en quittant son père, ne descendit pas immédiatement.