Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/256

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mieux que toutes mes prescriptions. Mais, sachez-le bien, la moindre secousse, le plus léger ébranlement cérébral auraient des suites funestes.

— Il est vrai, dit hypocritement la comtesse, que sur le premier moment, en apprenant que ma bien-aimée Valentine était victime d’un lâche séducteur, je n’ai pas été maîtresse de ma colère.

— Mais le premier moment est passé, madame, vous êtes mère, vous êtes chrétienne, vous savez ce qu’il vous reste à faire. Mon devoir, à moi, est de sauver votre fille et son enfant, et je les sauverai. Je reviendrai demain…

Mme  de La Verberie ne pouvait laisser le docteur s’éloigner ainsi. Elle l’arrêta d’un geste, et sans réfléchir qu’elle se trahissait, qu’elle avouait, elle s’écria :

— Quoi ! monsieur, prétendez-vous donc m’empêcher de faire tout au monde pour tenir secret l’affreux malheur qui me frappe ! Faut-il que notre honte devienne publique, voulez-vous nous condamner à être la fable et la risée du pays !

Le docteur fut un moment sans répondre, il réfléchissait, la situation était grave.

— Non, madame, dit-il enfin, je ne saurais vous empêcher de quitter La Verberie, ce serait outrepasser mes droits. Mais il est de mon devoir de vous demander compte de l’enfant. Vous êtes libre, mais il vous faudra me donner des preuves qu’il vit, ou que du moins rien n’a été tenté contre lui.

Il sortit sur ces mots menaçants, et il était vraiment temps, la comtesse suffoquait de rage et de contrainte.

— L’insolent ! s’écria-t-elle, l’impertinent ! Oser faire la leçon à une femme de mon rang. Ah ! si je n’étais pas à sa merci !…

Mais elle y était, et elle comprenait que cette fois, sans retour, il lui fallait donner congé à ses chimères.

Plus de luxe à espérer désormais, plus de gendre millionnaire, plus de fortune pour sa vieillesse, plus de voitures, de robes magnifiques, de fêtes où l’on joue gros jeu.