Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/282

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Il ne garnit cette « garçonnière » que du strict nécessaire ; malheureusement le nécessaire est hors de prix.

Si bien que, le jour où il fut installé, ayant essayé de faire ses comptes, il découvrit, non sans effroi, que ce court apprentissage de Paris lui coûtait 50,000 francs, le quart de son avoir.

Et encore, il restait, vis-à-vis de ses brillants amis, dans un état d’infériorité désolant pour sa vanité, à peu près comme un bon propriétaire qui crèverait son bidet à vouloir suivre une course de chevaux anglais.

50,000 francs !… Louis eut comme une velléité de quitter la partie. Mais, quoi ! il abdiquerait donc ! D’ailleurs ses vices s’épanouissaient à l’aise, dans ce milieu charmant. Il s’était cru prodigieusement fort, autrefois, et mille corruptions nouvelles se révélaient à lui.

Puis, la vue de fortunes subites, l’exemple de succès aussi surprenants et aussi inouïs que certains revers, enflammaient son imagination.

Il pensa que dans cette grande ville, où les millions se promènent sur le boulevard, il parviendrait infailliblement, lui aussi, à saisir son million.

Comment ? il n’en avait pas l’idée, et même il ne la cherchait pas. Il se persuadait simplement qu’aussi bien que beaucoup d’autres, il aurait son jour de hasard heureux.

Encore une de ces erreurs qu’il serait temps de détruire.

Il n’est pas de hasard, au service des sots.

Dans cette course furieuse des intérêts, il faut une prodigieuse dextérité pour enfourcher le premier cette cavale capricieuse qui a nom l’occasion, et la conduire au but.

Mais Louis n’en pensait pas si long. Aussi absurde que cet homme qui espérait gagner à la loterie sans y avoir mis, il se disait :

— Bast ! l’occasion, le hasard, un beau mariage, me tireront de là.

Il ne se présenta pas de beau mariage, mais le tour du dernier billet de banque arriva.